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Calibrage des abricots : une drôle de marmelade !

Par Marie Delarue du Boulevard Voltaire

Les abricots

Ça vous intéresse, vous, le calibrage des abricots ? Pour moi, ce qui compte est qu’ils soient mûrs, juteux, goûteux. Quand je mange un abricot, je n’ai pas envie qu’il ressemble à une pomme verte et acide, alors qu’il fasse 5 cm de diamètre ou qu’il ait le volume d’un œuf de caille est le cadet de mes soucis !

J’ai tort. L’important, disent les ronds-de-cuir qui se tirebouchonnent le cervelet pour fabriquer de la norme, c’est le calibrage. Pas grave qu’on importe des tonnes de fruits verts qui peuvent passer trois semaines dans le compotier sans songer à rosir, des trucs qui vous fabriquent des rides au coin des yeux et de la bouche avant de vous ravager l’estomac : ce qui compte, c’est les mensurations !

Il n’y a là rien de nouveau, pensez-vous. Voilà belle lurette, en effet, que nos fruits et légumes passent sous la toise : tomates, pommes, asperges, poireaux, rien ne dépasse. Les poules aussi doivent avoir le fondement calibré. D’ailleurs, je ne doute pas qu’on nous en fabrique un jour qui pondent des œufs cubiques. Ce sera plus facile à ranger dans les boîtes…

Mais revenons aux abricots. C’est la Confédération paysanne qui pousse un coup de gueule. Elle est le seul syndicat, dit-elle, à s’être opposé à l’extension de la norme de calibrage et d’emballage à la vente directe. J’explique : jusque-là, les producteurs qui vous proposaient leur surplus au bord des routes n’y étaient pas soumis. Désormais, Interfel (l’interprofession de la filière fruits et légumes) leur impose des conditions équivalentes à la vente sur les marchés, ce qui va obliger les récoltants à « s’équiper en matériel de calibrage coûteux et [à] sceller tous les abricots à confiture dans des emballages fermés », dit la Confédération paysanne dans son communiqué. Et de souligner que « ces obligations, qui ont un intérêt en circuit long mais pas en vente directe, ne sont le fait ni du législateur français, encore moins de la Commission européenne, mais bien de l’interprofession », c’est-à-dire « des autres syndicats agricoles, pourtant prompts à dénoncer le “poids des normes” ».

Question : quel est l’intérêt de tout ça ? Formulé autrement : à qui profite le crime ?
Sûrement pas au consommateur qui s’en fout, comme dit plus haut, et sûrement pas, non plus, au producteur qui trouve, dans la vente directe, un moyen d’échapper aux circuits longs et peu rémunérateurs.

On nous a présenté, mercredi soir, au JT de France 2, un producteur d’abricots favorable, lui, à la mesure en question. Il se promenait dans son verger avec un petit carton percé de trous de diverses dimensions, expliquant qu’il suffisait de repérer les fruits sur l’arbre avant maturation. Je l’avoue, je n’ai pas très bien compris… S’il faut grimper aux arbres pour mesurer chaque fruit au berceau, sachant que la Commission européenne « interdit, en milieu professionnel, d’affecter les jeunes à des travaux temporaires en hauteur lorsque la prévention du risque de chute de hauteur n’est pas assurée par des mesures de protection collective », ça va devenir très très compliqué…

Enfin, question subsidiaire à laquelle je n’ai trouvé aucune réponse : pourquoi faut-il « sceller tous les abricots à confiture dans des emballages fermés » ? Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve que ça sent fort le délit de sale gueule…

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