Une église en mouvement

Le dimanche 8 novembre n’est pas le 1er dimanche de l’Avent, c’est le 1er dimanche du reconfinement, et, de l’interdiction pour l’Eglise de célébrer la messe dominicale. Alors que les grandes surfaces, comme les petites, restent ouvertes et que le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a laissé entendre qu’il pourrait autoriser la réouverture d’autres commerces non-essentiels le dimanche, l’Eglise de France doit faire profil bas. Son service n’est pas essentiel, pour Emmanuel Macron.

Dans le diocèse de Fréjus-Toulon, à Hyères, une cité balnéaire bordée par la Méditerranée, où résida la reine Victoria, et, où de nombreux écrivains passèrent, comme Edith Warton, André Gide, les églises du secteur sont presque vides ce dimanche matin. Dans l’église Saint-Louis, qui se situe place de la République, des prêtres ont revêtu leurs chasubles de couleur liturgique verte. Ils s’apprêtent à célébrer la messe, sans fidèle. Ils sont masqués et officient devant une caméra qui retransmet en direct la célébration. Etonnamment, les fidèles qui sont, habituellement, près de 300, seront plus de 1200 à visionner cette messe sur la chaîne YouTube de la paroisse. A quelques kilomètres de là, au même moment, Mgr Dominique Rey, l’évêque du diocèse, célèbre dans les mêmes conditions. Il se trouve à Solliès-Pont, avec le curé de la paroisse, le père Ludovic-Marie Margot. La messe est animée par une nouvelle communauté, la Fraternité Missionnaire Marie Mère des Apôtres. Dans son homélie du jour, Mgr Rey rappelle que la messe est célébrée pour tous les saints du diocèse.

Une semaine après la Toussaint, il invite tout le monde à « devenir saint. Cette sainteté se définit comme une union à Dieu. Il s’agit d’une communion d’amour qui saisit toute notre humanité. » Il ne dira pas un mot sur le reconfinement, ni sur la décision du Conseil d’Etat de refuser les messes publiques. La messe n’est pas le lieu de joutes politiques. Le Conseil d’Etat, dans son prononcé, a renvoyé l’Eglise et le gouvernement face-à-face, avec l’obligation pour le gouvernement de se concerter avec les représentants du culte, avant le 16 novembre. Mgr Rey est cependant « confiant » sur l’issue de cette concertation avec le gouvernement. Il espère que les messes reprendront après, « avec la mise en place d’un nouveau protocole plus stricte ».

Un pretre

 

Cinq évêques motivés par l’Essentiel

Ils sont éloignés les uns des autres, par des milliers de kilomètres. Ils ont leurs soucis, leur diocèse, leurs prêtres, leurs séminaristes, leurs fidèles à guider et à servir. Ils se retrouvent unis et marchent presque comme un seul homme pour réclamer la liberté de culte. Mgr Ginoux, évêque de Montauban a initié le mouvement. Il avait invité les fidèles dans l’un de ses tweets, le 29 octobre, à « envahir les églises aux heures des messes ». Mgr Aillet, évêque de Bayonne, n’accepte toujours pas

« une telle restriction quand les écoles, les collèges, les lycées, les grandes surfaces, et les services publics, les transports en communs restent ouverts. »

Mgr Cattenoz, évêque d’Avignon, n’est plus en retrait, comme au printemps dernier. « C’est suite à notre recours devant le Conseil d’Etat, explique-t-il, que toute la Conférence des Evêques de France a déposé le sien ». En Martinique, Mgr Macaire, qui célébrait sa messe devant un parterre de bancs vides, à Fort-de-France,

« pense à ses milliers de prêtres, qui célèbrent la messe seuls, et, je pense à la tristesse de ces familles qui ne pourront pas accomplir cet acte essentiel de leur vie, que de venir à l’Eucharistie, à la messe. Ils ne pourront pas voir leurs frères et recevoir le Corps et le Sang du Christ. Nous sommes dans l’attente. C’est pour cela que je porte un scapulaire violet. Le psaume que nous allons chanter nous dit : ‶Mon âme a soif de toi.″ »

L’avent a déjà commencé cette année. Le désir, l’attente, tel est le sens du mot avent. » Mgr Rey renforce cette « task force » inédite, dont l’objectif initial est de « rendre la liberté de culte au peuple chrétien », tout en explicitant que « l’homme ne vit pas seulement de pain ». Sur le terrain, les premiers effets de ces recours se font sentir : ce dimanche 8 novembre, des milliers de fidèles se sont rassemblés devant des cathédrales de France, comme à Bayonne, Montauban, Nantes, Lyon, Toulon pour prier et réclamer la messe.

Une Eglise en mouvement

L’Eglise semble de plus en plus motivée à se mettre en mouvement, à revendiquer, à faire de la résistance, tout en respectant le vieil adage, prononcé par le Christ lui-même : « rendez à César, ce qui est à César, et, à Dieu, ce qui est à Dieu ». Mieux, elle est condamnée à exister, si elle veut survivre. Faute de quoi, certains diocèses risquent de payer un lourd tribu, et, tomber dans un engrenage mortifère. A la suite du premier confinement, il a été constaté par endroit « la perte de 10 à 30 % de pratiquants à nos messes régulières », explique un prêtre, qui a souhaité garder l’anonymat. Ce qui va avoir des conséquences négatives importantes sur la gestion économique et financière des diocèses qui sont déjà dans le rouge.

A Hyères, dans l’après-midi de ce 8 novembre, toutes les églises du secteur paroissial sont ouvertes. A Saint-Louis, l’Eucharistie est exposée à l’adoration d’une vingtaine de fidèles. Chaque fidèle porte un masque. Et, la distanciation dépasse les 3 mètres. Dans une chapelle latérale le père Christian Pradeau, le curé de la paroisse, propose la communion eucharistique. De l’autre côté une personne se confesse à un autre prêtre. Une mère de famille avec ses 3 jeunes enfants vient de rentrer dans l’église. Sur la question, la messe est-elle essentielle ? Marie répond :

« je ne comprends pas l’Etat français qui honore lors d’une cérémonie officielle les trois martyrs de Nice, qui loue la laïcité, et, la pratique religieuse, et, en même temps nous l’interdit. Mes enfants voulaient aller à la messe. Ils ne comprennent pas. Joseph, notre petit dernier, qui a fait sa première communion l’année dernière, a faim de Jésus. Oui, la messe est essentielle. »

Toute la famille se dirige vers le petit oratoire, où « Jésus caché » repose, dans le tabernacle. Ils ne pourront pas communier. Le curé est, déjà, reparti visiter des personnes âgées seules et en grande souffrance. Il leur apporte l’Eucharistie.

 

Texte et photos réalisés par Antoine BORDIER

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